Je m’appelle Michael Ferire. J’ai 27 ans, j’habite Bruxelles et suis photographe. Actuellement, je fais de la photo de mariage, du backstage de musique et de mode. J’ai vite l’impression de tourner en rond lorsque je reste trop longtemps dans un même contexte. J’ai étudié la psycho et le marketing pour me dire un jour que je ne voulais pas travailler dans ces domaines mais j’utilise ce que m’a appris l’école, dans d’autres domaines, notamment la photo. Si on parle de mon histoire, on ne peut pas passer à côté du cancer qui a changé ma vie il y a maintenant un an. Je l’ai envisagé comme une manière de tout remettre en question, repartir d’une page blanche. J’accorde aujourd’hui une place centrale à l’humain et à la rencontre dans mon travail.
Comment la photographie est entrée dans ta vie ?
Je photographie depuis 2007. Je ne sais pas trop ce qui m’a donné l’envie. Dans le fond, même aujourd’hui, j’ai encore l’impression de ne pas vraiment être photographe. La photo n’est qu’un moyen parmi d’autres pour comprendre et exprimer (mais il est redoutablement efficace). J’aime développer des méthodes à contre-courant et repenser les évidences. C’est ce que je tente de faire, en photo comme ailleurs. La photo n’est qu’un moyen, « m’y mettre » n’a pas réellement été un choix. On s’exprime avec l’outil qui se prête le mieux à ce que l’on veut dire. La photo, c’était parfait pour montrer ce qui ne se raconte pas, c’était comme un nouveau langage.
Ton style. Portrait ou Paysage ?
Fondamentalement, Portrait ! Parce que le portrait c’est l’humain. mais puisqu’on parle de format et aussi de psycho, j’aurais tendance à avouer que j’ai longtemps eu un énorme problème avec le format portrait. Pour moi, ce format ne fonctionne pas dans le ratio traditionnel 2/3. La verticalité ne va pas à ce ratio. Je suis formel sur ce point. On a toujours un bout en trop. Depuis que je travaille en argentique, avec un ratio 4/3, ce problème a disparu. Ou plutôt, il s’est inversé. Avec mon Contax 645, j’ai tendance à quasi systématiquement carder en vertical. C’est une question d’harmonie. C’est aussi, selon moi, lié à ce qu’on veut dire. L’horizontalité c’est l’interaction, le lien, le jeu entre un contexte et un individu. La verticalité c’est la rupture entre un individu et son environnement. J’ai un exemple concret qui le montre. Je voulais mettre en scène la liberté et l’indépendance dans l’union. La verticalité m’a aidé sur ce point. Indéniablement. Bref, portrait ou paysage… Cela dépend du propos ! :)
Tu bascules doucement vers l’argentique. Pourquoi?
Dans mon cas, je ne parlerais pas d’un retour aux sources. Je n’ai que 27 ans et donc, pour moi, la photo, initialement, est numérique. J’ai un vague souvenir d’enfance lié à la pellicule mais rien de bien transcendant. C’est plutôt une remise en question globale des enjeux de l’image. Le rapport direct et total à l’image que permet le numérique me dérange. Je n’aime pas ce qu’il fait de l’image et je n’aime pas ce qu’il fait du photographe : un jukebox visuel. A contrario, l’argentique restaure une forme de magie, l’image y devient parcellaire. L’argentique isole, réduit, séduit. L’argentique ne montre pas mais suggère. Même au niveau du process, je trouve plus juste de travailler à l’aveugle. Et puis, au niveau purement pratique, je suis devenu un addict de la sensation d’attente que provoque l’argentique et le résultat est sans commune mesure. Je vois aujourd’hui le numérique comme une évocation très réduite de ce dont est capable mon appareil argentique. C’est difficile de faire marche arrière. Je n’aime plus voir directement ce que je fais sur un écran. La vie n’est pas faite de certitudes, de pixels, de 0 et de 1. Elle est faite de sensations, de risques et d’un peu d’alchimie. L’argentique c’est ça !
[bctt tweet= »La vie n’est pas faite de certitudes, de pixels, de 0 et de 1. #Interview #MichaelFerire »]
Ton marketing. Tu viens de changer ton logo, ton site web, que souhaites tu exprimer?
J’ai retravaillé toute mon identité avec un couple de designers dont j’avais photographié le mariage il y a un an (Pauline et Serge Rusak). J’avais adoré l’esthétique de leur mariage et rien ne me semblait plus cohérent que de faire ce choix. En plus, ils sont excellents et humainement au top. Je suis un perfectionniste et je sais souvent très précisément ce que je veux au point que je tâtonne si l’on m’observe de l’extérieur. En réalité, je tente de faire correspondre ce qui est produit avec ce que j’avais imaginé.
Avec Pauline et Serge, c’est la première fois que ce qui sort me convainc plus que mon idée de base. C’est un vrai luxe ! C’est comme de confier son image a quelqu’un en qui on a totale confiance. Ma motivation profonde est que mon travail forme un ensemble cohérent, qu’il se complexifie tout en restant très limpide. De manière générale, je pense que, si on aime ce qu’on fait, les choses se passeront forcément bien. Je voulais donc une image qui me corresponde pour m’y sentir à l’aise. Pour moi, un logo est comme un vêtement. Je ne fais pas de distinction entre mon métier et qui je suis. Je ne voulais pas d’une image qui ne renferme pas un sens profond. Je ne voulais pas qu’on me déguise. Cette nouvelle identité, c’est moi et j’en suis fier (et elle va encore évoluer dans les mois à venir).
Comment se compose ton sac photo ?
De plus en plus, mon sac se compose de boites jaunes griffées Kodak. Mon nouveau jeu est d’ailleurs devenu le passage de sécurité dans les aéroports où il faut expliquer aux employés qu’il faudra vérifier chaque boite manuellement.(Oui, je sais, c’est cruel). A part ça, un Contax 645 pour faire clic clac et un 5dmkIII qui assure un back up. Je compte environ 30 pellicules de 32 vues pour un mariage. Je veux me permettre de ne pas compter et d’être très sélectif. En général, je valide 2/3 des images shootées en argentique. J’ai également un posèmetre qui me suit partout. Cet objet fascine tout le monde, moi en premier.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Elles sont nombreuses mais j’ai une très mauvaise mémoire des noms. Je citerai quand même Jose Villa et Jonathan Canlas qui sont pour moi des références. L’un pour sa manière de totalement réinventer la photo de mariage avec un oeil minimaliste et efficace, l’autre pour le côté humain et la fraicheur de ses images. Je pourrais aussi citer Fer Juaristi, Ben Sasso ou, dans un autre genre, Annie Leibovitz pour son travail sur l’humain derrière la célébrité. J’aime également beaucoup les images de Mona Kuhn ou de Jan Scholz, plus pour le coté contemplatif. Et puis, à un niveau moins photographique et de manière générale, je suis inspiré par des gens qui restaurent un peu d’humain dans les métiers techniques. Je pense notamment à Simon Sinek qui a pu repenser le marketing comme une interaction humaine fondamentale. Les gens qui voient le monde d’une manière radicalement différente me fascinent et m’inspirent.
Quelle est la formation que tu as préférée ou celle que tu souhaiterais faire?
Pour tout dire, je n’ai pas fait beaucoup de formation. Pour l’instant, j’ai fait 10 ans d’études dans des domaines qui, au final, ne passionnent pas. Les formations que je rêvais de faire sont prévues pour 2014, Sean Flanigan, Jose Villa et Jonathan Canlas. Je suis convaincu que le workshop et le coaching sont des méthodes idéales pour progresser rapidement. Je pense de plus en plus que le savoir n’est plus livresque mais subjectif. L’information est partout, il nous faut du vécu pour progresser.
[Edit : Lire ses impressions sur ces workshops réalisés fin 2014]
Ton travail. Quelle est ta photo préférée à ce jour ? pourquoi ?
A ce jour, ma photo préférée est celle-ci :
Pour plusieurs raisons : Déjà pour l’attitude et la lumière mais aussi pour l’aspect technique. Cette image est un coup de poker. Je repère une pièce magnifique mais extrêmement sombre. Je demande à Stromae de m’y accompagner pour y faire 2-3 photos entre deux choses à gérer. Je le fais s’asseoir. Je sais que ma vitesse sera limite. Mon posemètre m’indique 1/8 de seconde avec un 80mm. Je m’accroupis, me sert de mon genou comme d’un trépied et je déclenche quatre fois. J’aime cette image car elle incarne à mes yeux l’audace gagnante. Sur le papier, cette image est presque impossible. J’aime aussi l’esthétique et la pose très « début de vingtième siècle », à une époque où, effectivement, on ne pouvait pas bouger car les temps de pause étaient trop longs.
Tes projets. Qu’as-tu en préparation ?
Les mois qui viennent vont être chargés. J’aimerais finaliser la mise en place de mon identité, me lancer davantage dans les workshops car je pense que, au fond, c’est ma vocation première. Je voudrais développer des supports divers de formation. Je rêve aussi de travailler sur une série à la chambre technique. J’aimerais également étendre mes activités dans le milieu de la mode et continuer à travailler sur des projets riches humainement.
Quel serait ton conseil pour les photographes pros qui nous lisent?
Je ne sais pas si j’ai un conseil à donner à des photographes pros. Peut-être simplement d’arrêter de se décrire comme « photographe pro ». Pour moi, cela instaure un doute. Il n’existe pas de boucher pro ou de médecin pro. Je sais bien que la photo est aussi une passion et que la distinction concerne le statut mais, pour moi, je fais de la photo, rien de plus. Il y a autant de photographes qu’il existe de manière de voir le monde.
1 Comment
Bonjour,
Je suis photographe et je souhaite passer au moyen format argentique. Quel appareil me conseilleriez-vous? Le Contax 645 a un rendu merveilleux mais il est hors budget. Pour le format je suis ouvert, pour la visée ma préférence vas au reflex. J’ai un budget de 1500 € maxi objectif compris. Un équivalent 50mm me conviens parfaitement.
Salutations cordiales,
Madjid KHOULALENE